C’est dans la rue d’Amérique Latine que se cache l’entrée du vieux fondouk Chejra qui abrite à l’étage des ateliers de tisserands. Matières naturelles de qualité et explosion de couleurs… le meilleur de l’artisanat tangérois confère une âme unique à ce lieu chargé d’histoire.
Trait d’union entre le centre-ville et les rues qui mènent au port, la courte rue d’Amérique Latine en contrebas de l’escalier Waller brasse une activité incessante sur ses trottoirs du matin au soir. On y trouve pêle-mêle marchands primeurs, boutiques de produits d’import espagnol regorgeant de chocolat et biscuits comme de balais et lessives, vendeurs de volailles vivantes, d’appâts pour la pêche et de livres d’occasion.
Un fondouk bien caché
Bordée d’un côté par un souk couvert aux allées étroites abritant fruits et légumes, charbon, produits de récup’ et brocanteurs en tous genres, elle dissimule de l’autre, sous les arceaux, les deux entrées du fondouk Chejra. L’une mène au rez-de-chaussée à une caverne d’Ali-Baba de l’import (cosmétiques, ustensiles de cuisine, linge de maison, produits alimentaires…). L’autre accède à un large escalier qui vous conduira à l’étage au royaume des tisserands.
Ce très vieux fondouk serait l’un des premiers bâtiments construit à l’extérieur des remparts de l’ancienne médina et il émane de ses vieux murs défraîchis un charme suranné. Il s’étend sur 3.200m² et abrite depuis plusieurs décennies des lignées de tisserands qui sont la mémoire des lieux : projet de caserne pour les Anglais, hébergement pour les marchands et leur bétail, puis marché de légumes… l’histoire du fondouk se confond avec celle de l’activité du quartier.
Des matières nobles et un choix infini…
Aujourd’hui, ils sont une quarantaine à travailler sur place, dont une vingtaine de maalems (maîtres artisans) qui créent des étoffes d’une superbe qualité. Coton, laine, lin, chanvre, sabra (soie végétale), toutes ces matières nobles travaillées à la main donnent vie à des châles, foulards, foutas, linge de maison ou aux chaudes djellabas traditionnelles du Rif. Le choix est cornélien et se complique encore, une fois que vous comprenez que vous pouvez faire fabriquer vos propres pièces sur mesure et à vos couleurs (prévoir de 1 à 3 semaines en moyenne selon la disponibilité de la matière première).
Un trésor artisanal fragile
Une visite au fondouk vous permettra de rencontrer parmi les plus habiles artisans de la ville, mais vous ne pourrez que constater que la plupart commence à prendre de l’âge et que les jeunes reprennent de moins en moins le flambeau familial… Raison de plus pour y faire ses emplettes, à prix très doux compte tenu de la qualité et du temps de travail nécessaire à la confection de chaque pièce. En les faisant travailler vous contribuez à la préservation de savoir-faire traditionnels emblématiques du nord du Maroc.
Photos : © Sevàn l’Hostis – 2022
Mille mercis aux maîtres des lieux : Mohammed et Ahmed, maalem de père en fils, toujours à la recherche de nouvelles idées de créations; la famille Saïdi, père, fils, et oncle, rois du coton ; Ibrahim magicien du métier à tisser chez le maalem Mohammed, originaire de Ouezzane, terre natale des plus belles djellabas de laine du Rif ; et à la maison du maalem Amine Bakkali, connue pour ses designs sobres et contemporains.